Entre activité partielle et surinvestissement, l’évaluation des salariés par leurs managers s’annonce complexe.
Ce n’est pas une figure imposée, mais dans la majorité des entreprises le mois de janvier rime généralement avec entretien annuel d’évaluation. Ce rendez-vous destiné à faire le point sur le travail accompli au coins des douze derniers mois est abordé avec plus ou moins d’appréhension, tant par les salariés que par les managers. Et cette année, dans un contexte de crise sanitaire inédit, l’exercice s’an nonce particulièrement périlleux.
Sur la forme d’abord. Gestes barrières obligent, de nombreux entretiens vont se dérouler par écrans interposés, une contrainte qu’il faut savoir maîtriser même si la visioconférence devient actuellement une sorte de routine. Le ministère du Travail, conscient de cette difficulté supplémentaire, a d’ailleurs publié début décembre une ordonnance pour autoriser le report jusqu’au 30 juin 2021 des entretiens professionnels, qui eux sont obligatoires tous les deux ans.
Mais c’est surtout sur le fond que les tête-à-tête entre salariés et managers s’annoncent plus complexes. Comment valoriser et évaluer les compétences lorsque le télétravail, le chômage partiel et le travail en présentiel ont tour à tour rythmé les neuf derniers mois. « Une chose est certaine les managers doivent s’attendre à une charge émotionnelle très forte, parfois mêlée de frustration et de colère, qu’il faut savoir accueillir », prévient Christophe Nguyen, président du cabinet Empreinte humaine « Cet entretien est d’abord un acte de management qui doit prendre en compte la réalité vécue par le collaborateur », précise Benoît Serre, vice-président de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH).
Accompagner plutôt que sanctionner
Solitude pesante, travail dans un logement exigu… pour le manager, l’équilibre à trouver entre les exigences du poste et la bienveillance risque d’être subtil. « Écouter, chercher à comprendre pourquoi le salarié peut perdre pied est important, et cette démarche sera appréciée. Toutefois il ne faut pas tirer un trait sur ce qui est attendu des personnes », indique Christophe Nguyen.
Pour éviter un entretien anxiogène, qui vire à l’affrontement, les spécialistes sont unanimes: il ne doit pas recéler de surprises au moment où les objectifs chiffrés sont abordés. Une attention parti culière doit être portée à la situation des commerciaux, empêchés d’exercer une partie de leur mission et dont la rémunération variable représente parfois jusqu’à 30 % de leur salaire. S’ajoute qu’en cas de placement en activité partielle, leur indemnité est cal culée uniquement sur la part fixe de leurs revenus. « Lorsqu’un salarié donnait satisfaction quand il exerçait son travail dans des conditions normales mais qu’il est devenu non performant, il serait bon d’aller vers de l’accompagnement plutôt que vers de la sanction », recommande Christophe Nguyen.
« Les managers doivent s’attendre
à une charge émotionnelle très forte, parfois mêlée de frustration et de colère, qu’il faut savoir accueillir »
Certaines entreprises ont d’ailleurs adopté une démarche magnanime. « Certains employeurs ont donné des consignes pour que le critère de productivité, qui n’est pas comparable avec la situation actuelle, ne soit pas évalué », souligne Benoît Serre. Reste les salariés qui ont fait des efforts d’adaptation, sont devenus plus autonomes, voire se sont révélés dans la crise. La difficulté est alors pour les employeurs de prendre en compte leurs attentes en termes de re connaissance… et ceci, même si l’entreprise a subi la crise, que son activité est en perte de vitesse et qu’elle n’a pas prévu de verser de primes. « Certains manager ont peut-être du mal, mais ils peuvent déjà commencer par dire merci, ça ne coûte rien » remarque Christian Mainguy directeur des relations stratégiques EMEA & Québec.
À défaut de gratification financière, ceux qui ont fait preuve d’engagement pourront aussi se voir proposer des formations, être consultés d’avantage dans les décisions, ou être associés à de nouveaux projets ou missions valorisantes. « Les gens se sont éloignés de l’entreprise, et l’enjeu consiste aussi à pouvoir raccrocher les wagons », assure Christophe Nguyen.
Source : Corinne Caillaud pour Le Figaro