Paris, le 10 février 2020 – À l’occasion des 6es Rencontres de la Mobilité inclusive qui se sont déroulées le mercredi 5 février 2020, à la Cité internationale universitaire de Paris, le Laboratoire de la Mobilité inclusive, accompagné par des deux auteurs, a présenté les résultats de l’étude menée sur le sujet des jeunes au sein des territoires ruraux.
Fruit de mois de travail du sociologue, Alain Mergier, et du docteur en Sciences de l’Education, Gérard Hernja, le Laboratoire de la Mobilité inclusive a mis en avant les résultats de l’étude et propose 33 préconisations pour rendre la mobilité des jeunes en territoires ruraux plus inclusive :
Les axes de préconisation proposés intègrent l’idée première que la mobilité et les territoires doivent être envisagés comme des ressources et des lieux favorisant l’inclusion.
Axe de préconisation 1 – Rétablir la confiance dans le territoire
1. Penser le territoire rural, son animation et son développement en mobilisant ses habitants, dont les plus jeunes, autour de projets locaux précis, choisis et pilotés par eux-mêmes.
2. Sortir de la verticalité, de l’effet d’annonce, de l’idée que l’on apporte la solution toute faite sur place
3. Adapter les outils existants aux territoires et ne pas les imposer.
4. Créer des gammes d’outils privilégiant l’autodiagnostic plutôt que le diagnostic ou l’audit, l’autoévaluation à la seule évaluation.
5. Faire émerger des personnes relais dans les territoires capables d’impulser des mouvements et de servir d’interlocuteurs et d’intermédiaires entre les habitants et les pouvoirs publics.
6. S’appuyer sur le tissu associatif, sans court-circuiter le politique mais avec l’idée de le compléter.
7. Tenir compte de la défiance de la population rurale envers les experts, les élites, les médias et les politiques, accepter d’être remis en question par des personnes qui n’attendent parfois plus rien.
Axe de préconisation 2 – Avoir le souci des parents dans la ruralité
1. Penser la ruralité par rapport aux besoins des parents et à la volonté de donner à leurs enfants les mêmes chances qu’ailleurs.
2. Mettre en place une aide spécifique aux parents, par rapport aux déplacements contraints pour donner à leurs enfants l’accès au sport, à la culture, aux loisirs.
Axe de préconisation 3 – Penser l’orientation et l’accès aux métiers utiles de la ruralité
1. Donner à l’orientation une place spécifique dans le cadre de la ruralité, tenant compte du désir d’y rester et de l’indécision potentielle quant à l’avenir.
2. Explorer avec les jeunes citadins, les pistes d’orientation vers la ruralité, dans l’ensemble des métiers.
3. Anticiper la revitalisation des territoires ruraux à travers l’exploration des métiers en tension mais aussi des métiers en devenir.
Axe de préconisation 4 – Repenser le rôle spécifique de l’automobile dans la ruralité
1. Réfléchir le rapport à l’automobile en tenant compte des spécificités du territoire rural, des représentations et des besoins de ses habitants.
2. Prévoir des solutions de remplacement tenant compte des attentes et des besoins réels dan sles territoires.
3. Accompagner les changements de pratiques de déplacement sans les imposer.
4. Réfléchir à la direction des aides en faveur du permis de conduire et inverser le processus, passer de « financer un permis pour un emploi » à « un emploi pour financer un permis », avec l’engagement de véhiculer le jeune à son travail en attendant qu’il ait son permis de conduire.
5. Relier la dimension écologique des déplacements au terrain et aux effets visibles sur les environnements immédiats.
Axe de préconisation 5 – Valoriser les parcours professionnels dans la ruralité
1. Rapprocher les lieux de formation professionnels des besoins de la ruralité
2. Valoriser les avantages de la vie professionnelle dans la ruralité
3. Communiquer sur les besoins de la ruralité en termes d’emplois et decompétences.
Axe de préconisation 6 – Faciliter la vie des jeunes dans les villages et soutenir leurs projets
1. Développer des activités dédiées aux jeunes et proposer des lieux de rassemblement et de projets
2. Faire participer les jeunes aux projets des communes
3. Mettre en place un crédit covoiturage pour les jeunes ruraux, sous leur responsabilité propre
4. Mettre en place une plateforme d’échange entre jeunes du village et des villages alentours pour favoriser le covoiturage intergénérationnel.
Axe de préconisation 7 – Valoriser les territoires à partir d’une mobilité inversée
1. Mettre en place une mobilité inversée. Faire venir des citadins à la campagne, leur montrer la vie dans la ruralité, changer leurs représentations et peut-être construire leur appétence future pour la ruralité.
2. Valoriser les territoires, à partir de leurs atouts, en relation avec les problématiques environnementales dans les campagnes de communication et les programmes scolaires.
Axe de préconisation 8 – Éducation et accompagnement à la mobilité
1. Réfléchir à une définition de la mobilité incluant les changements psychogénétiques mais aussi anticipant les éléments de rupture.
2. Construire une approche de la mobilité s’intégrant dans un continuum éducatif de mobilité écoresponsable, tenant compte de la diversité des territoires
3. Relier le continuum éducatif de mobilité responsable à l’orientation, aux choix des métiers, plus particulièrement dans les territoires
4. Construire une approche de la mobilité prenant en compte les changements liés aux évolutions climatiques observées sur le terrain
5. Proposer un modèle d’éducation reposant sur les principes d’éducabilité et sur une approche socioconstructiviste de l’apprentissage.
6. Proposer un modèle d’analyse de la mobilité adapté aux objectifs d’apprentissage et d’éducation.
7. Former des professionnels de l’accompagnement pédagogique vers la mobilité, notamment en lien avec l’Éducation Nationale.
Méthodologie de l’étude :
Nous avons croisé les regards de deux chercheurs, à partir de leurs expériences dans le champ des Sciences de l’Éducation et de la Sociologie. L’un des chercheurs habite et vit à Thuillières depuis quinze années, et n’a jamais vécu que dans la ruralité.
Nous avons abordé la question de la mobilité en la reliant avec le concept d’autonomie, un concept fécond dans l’ensemble des Sciences Humaines. Nous l’avons également définie en relations avec les potentialités d’action et de déplacement des jeunes, dans un sens s’approchant du concept de motilité développé par Vincent Kaufmann.
Nous avons observé, suivi et mené des entretiens avec les jeunes du village, répartis a priori en fonction de leurs âges, pour comprendre le déroulement de leur vie ordinaire dans le village. Nous avons menés des entretiens semi-directifs avec l’ensemble des parents, avec les personnes en couple dans le village et en âge d’avoir des enfants.
Nous avons effectué un traitement qualitatif des donnés. Les éléments de compréhension tirés du traitement des données ont vocation à être réintroduit sur le terrain lui-même pour donner des réponses opérationnelles à la problématique de la mobilité des jeunes dans la ruralité.
Biographie des auteurs :
Gérard Hernja, docteur en sciences de l’Education, est coordinateur de formation et de recherche pédagogique à l’École de Conduite Française. Il a été chercheur associé au Laboratoire Interrégional des Sciences de l’Éducation et de la Communication (LISEC Lorraine) entre 2005 et 2014. À ce titre, il a pu mener des travaux de recherche sur les problématiques du risque routier, de l’Éducation à la sécurité routière et du permis de conduire. Il a également travaillé sur l’apprentissage de la conduite dans les écoles de conduite sociales et associatives, avec un focus particulier sur la prise en compte des publics dits en difficulté. En tant que consultant, il a accompagné et piloté l’évaluation du dispositif permis de conduire de la plateforme mobilité du grand Nancy. Il intervient aujourd’hui lors de la formation des Conseillers Mobilité Insertion. Il accompagne le Laboratoire de la Mobilité Inclusive sur les problématiques d’apprentissage et d’Éducation à la mobilité.
Alain Mergier, sociologue consultant, il a enseigné la sémiologie aux universités de la Tadeo-Lozano et Javeriana à Bogota (Colombie). Il est aujourd’hui expert associé à la Fondation Jean-Jaurès. Il intervient auprès d’institutions, d’associations, d’entreprises sur les grandes problématiques des sociétés contemporaines : rupture sociale des milieux populaires, perception des risques, solitude, incivilité, mobilité en milieu rural, santé en milieu désindustrialisé, culture numérique des jeunes…
Il fut chargé durant trois ans des études qualitatives de
l’Observatoire de la Confiance chez les jeunes de La Poste. Il réalise
des études qualitatives sur les problématiques de mobilité pour SNCF et RATP depuis plus de vingt- cinq ans.
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